Préparation au voyage - Musée McCord
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Objet placé dans la forme de calage

Préparation au voyage

Découvrez comment des outils à la fine pointe de la technologie facilitent la fabrication des caisses de transport pour les objets du Musée.

18 juillet 2019

Quand on part en voyage, on veut que sa valise soit compacte et légère pour éviter les frais supplémentaires et faciliter les déplacements. Mais qu’en est-il lorsqu’on veut faire voyager un objet pour le prêter à un autre musée?

Entrevue avec Denis Plourde, adjoint, Restauration, à propos de l’encaissement d’un pot en terre cuite qui a quitté le Musée McCord pour un voyage de plus d’un an.

Image de gauche: Denis Plourde, adjoint, Restauration. Image de droite: équipe qui a travaillé à l’encaissage du pot iroquoien. De gauche à droite : Jean-Christophe Chenette et Josiane Venne, techniciens, Collections et Denis Plourde.

QUI EST L’HEUREUX ÉLU ET OÙ VOYAGERA-T-IL?

Le chanceux qui part en voyage est un pot iroquoien du Saint-Laurent datant de plus de 500 ans. Il aurait été trouvé dans une grotte du comté de Lanark, en Ontario, dans les années 1840-1850 et collectionné par Edward Van Cortlandt, un chirurgien passionné d’archéologie et de géologie.

Il sera exposé au Minneapolis Institute of Art, au Frist Art Museum à Nashville, à la Renwick Gallery du Smithsonian American Art Museum à Washington et au Philbrook Museum of Art à Tulsa. Il a quitté le Musée en mai dernier et y reviendra en septembre 2020. Pas mal comme voyage!

Pot, 1300-1600. Don du Dr Van Cortlandt, ACC1337 © Musée McCord

JE PRÉSUME QUE LA CAISSE QUI LE PROTÈGE N’EST PAS LÉGÈRE ET COMPACTE, MAIS PLUTÔT ROBUSTE ET, SURTOUT, FAITE SUR MESURE?

Tout à fait! Avant même d’accepter qu’un objet de la collection soit prêté à un autre musée, il faut évaluer les risques de dommages qui peuvent survenir. Notre responsabilité est de nous assurer qu’il voyage en toute sécurité et qu’il revienne au Musée dans le même état de conservation qu’il était au départ. Ainsi, pour la fabrication de la caisse de transport, nous cherchons à réaliser une parfaite adéquation entre l’emballage et la forme de l’objet, afin de bien le protéger des accidents qui pourraient survenir. Nous souhaitons obtenir une image en miroir des formes de l’objet.

EST-CE QUE LES TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES PEUVENT AIDER À LA FABRICATION DES CAISSES DE TRANSPORT?

Les fs 3D et, donc, les fichiers numériques avec rendu volumétrique aident énormément à la fabrication des formes de calage des objets dans les caisses de transport. Certains objets, toutefois, ne peuvent pas être numérisés facilement, par exemple les objets en verre transparent, qui présentent trop de reflets, tout comme les miroirs, dont la surface ne peut pas être numérisée.

DANS LE CAS DE CE POT, QUELLES TECHNIQUES AVEZ-VOUS UTILISÉES POUR LA FABRICATION DE LA CAISSE?

Pour ce pot, nous avons utilisé un numériseur à balayage. Puis, avec un logiciel de modélisation 3D, nous avons pu manipuler le fichier 3D de façon à obtenir la forme en négatif de l’objet.

À partir de ces fichiers, nous avons ensuite fait fabriquer les formes de calage à la CNC (machine-outil à commande numérique par calculateur dont l’abréviation anglaise CNC veut dire computer numerical control). Ce mode d’usinage enlève de la matière au lieu d’en ajouter comme le font les imprimantes 3D classiques. Le grand avantage de cette méthode est de permettre le choix de la matière utilisée. Ici, il s’agit d’une mousse de polyéthylène (EthafoamMC type D), qui est assez dense pour immobiliser l’objet sans se déformer. De plus, grâce à sa stabilité chimique, cette mousse peut être mise en contact avec les objets.

Image de gauche: forme de calage réalisée à la CNC. Image de droite: bourre de polyester servant à coussiner la forme de calage.

Il faut aussi protéger la surface de l’objet. Pour cela, nous avons coussiné le calage avec de la bourre de polyester recouverte de TyvekMC, un textile non tissé de fibres de polyéthylène dont la surface est très lisse. Nous nous assurons ainsi que la surface de terre cuite du pot ne sera pas sujette à l’abrasion.

MAINTENANT QUE L’OBJET EST BIEN CALÉ, QUELLE EST LA SUITE?

Nous devons ensuite mettre cette forme en mousse de polyéthylène dans une caisse. Nous avons appliqué le principe du double encaissage. Comme je le mentionnais plus tôt, la première étape consiste à immobiliser l’objet avec un matériau qui ne risque pas de se déformer sous l’effet de la pression. L’objet et le matériau de calage sont logés dans une première caisse, idéalement en bois. En fonction du poids de cette première caisse, nous devons choisir, pour la caler dans la deuxième caisse, une mousse d’une certaine densité qui peut se déformer sous l’effet d’un choc, mais reprend sa forme ensuite. Le plus souvent, il s’agit d’une mousse de polyuréthane esther, assez semblable à celle utilisée pour coussiner le mobilier de salon.

Forme de calage mise en place dans la première caisse
Objet placé dans la forme de calage
Première caisse : celle qui contient l’objet
Deuxième caisse : la caisse de transport dans laquelle est placée la première caisse (double encaissage)
La première caisse placée dans la deuxième
La première caisse placée dans la deuxième

COMBIEN DE TEMPS PEUT PRENDRE LA FABRICATION D’UNE TELLE DOUBLE CAISSE?

La fabrication de la forme de calage à la CNC nous fait épargner beaucoup de temps, particulièrement quand la forme est complexe.  Nous avons déjà fait voyager un autre pot très semblable et, sans cette technologie, le travail a été beaucoup plus long. La maîtrise de cette technologie nous fera donc gagner de plus en plus de temps. Cela dit, le temps et les coûts relatifs à ces travaux sont nécessaires pour assurer la sécurité de ces objets, qui sont rares et précieux en plus d’être fragiles.

EST-CE QUE CES TECHNOLOGIES 3D SONT SOUVENT UTILISÉES AU MUSÉE POUR LA FABRICATION DES CAISSES?

C’est la première fois que nous utilisons cette méthode qui, à ma connaissance, n’a pas encore été utilisée dans d’autres musées. On peut prévoir que les outils numériques, qui sont d’une grande précision, remplaceront un jour les pratiques artisanales traditionnelles. Pour le moment, le coût important de ces équipements constitue un frein. Il faudra à mon avis déployer les budgets nécessaires pour tirer profit des avantages et des améliorations qu’apportent ces technologies. Précisons qu’elles vont nous permettre de mieux préserver nos objets de collection non seulement pour le transport, mais aussi pour la mise en exposition, la restauration et la documentation.

Apprenez-en plus sur l'évolution du pot iroquois

Pour sa première collaboration avec la Biennale d’art contemporain autochtone, le Musée accueille en 2024, lartiste kanien’kehá:ka MC Snow. L’artiste explore à travers deux œuvres originales, les émotions et les messages véhiculés par les objets kanien’kehá:ka de la collection Cultures autochtones du Musée.

« Ce qui nous différenciait entre communautés, c’était nos pots et nos méthodes de communiquer les symboles sur les pots. Pour moi, les pots ont toujours été des objets qui transportent quelque chose. Nous plaçons des choses dans les pots pour les contenir et les protéger. Ce sont des objets et des savoirs que nous conservons pour le futur, et donc pour les générations à venir. »

–MC Snow, artiste kanien’kehá:ka

Vidéate : Tomi Grgicevic © Musée McCord Stewart, 2024