De l'uranium dans une armoire près de chez vous! - Musée McCord
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Support à serviettes de table sous une lumière ultraviolette, 1880-1910. M994X.2.23 © Musée McCord

De l’uranium dans une armoire près de chez vous!

La lumière ultraviolette révèle l’étonnante face cachée de certains objets de la collection.

Sara Serban, restauratrice, Musée McCord

16 décembre 2019

La prochaine fois que vous inviterez des amis à souper, sortez la vaisselle et une lampe à ultraviolet, vous pourriez avoir toute une surprise!

Nous avons parlé avec la restauratrice Sara Serban de ce qu’elle a découvert lors du traitement des objets pour l’exposition Celia Perrin Sidarous : L’archiviste.

QU’AVEZ-VOUS DÉCOUVERT LORS DU TRAITEMENT DES OBJETS POUR L’EXPOSITION CELIA PERRIN SIDAROUS : L’ARCHIVISTE?

En préparant les objets pour cette exposition, notre attention a été attirée par la couleur inusitée et la translucidité d’un porte-serviettes de table en verre jaune pâle soufflé à la main datant d’environ 1880-1910. Nos recherches sur les composés chimiques utilisés couramment pour colorer le verre à cette époque nous ont amenées à vérifier la présence d’uranium. Nous avons placé l’objet sous une lumière ultraviolette et il s’est mis à briller d’un éclat vert fluorescent typique de l’ouraline. Quelle belle découverte!

Support à serviettes de table sous une lumière ultraviolette, 1880-1910. M994X.2.23 © Musée McCord
Support pour serviettes de table, 1880-1910. M994X.2.23 © Musée McCord

QU'EST-CE QUE L'OURALINE?

Le chimiste allemand Martin Heinrich Klaproth a découvert l’uranium en 1789, et la première référence documentée à l’ouraline date de 1817. L’ajout d’uranium dans du verre a été popularisé par Josef Riedel à compter de 1834. Par la suite, l’uranium a été fréquemment employé pour donner une teinte vert-jaune à une multitude d’articles en verre. Riedel a créé un jaune vif, baptisé Annagelb, ainsi qu’un vert éclatant, appelé Annagrun en l’honneur de son épouse, Anna.

Jusque dans les années 1940, soit avant la découverte des effets néfastes de la radioactivité, l’uranium était largement incorporé dans du verre, de la glaçure et de l’émail entrant dans la fabrication d’objets décoratifs comme des boutons, des bijoux, de la verrerie, de la porcelaine peinte et des lampes.

POURQUOI L’URANIUM ÉTAIT-IL UTILISÉ ET QUELLES SONT SES PROPRIÉTÉS?

En incorporant de l’uranium dans le mélange de verre, on obtenait de nouvelles couleurs d’une brillance extraordinaire pouvant être exposées à des températures élevées. Combiné à d’autres éléments, il pouvait produire une variété de couleurs : jaune crème opaque (typique du custard glass), jaune clair éclatant, ou ambre, vert clair éclatant, vert foncé, noir, et rouge-orange vif (le rouge orangé de la vaisselle Fiesta est un exemple bien connu de l’utilisation de glaçures uranifères dans des objets domestiques).

Compotier, 1920-1925. M994X.2.3.1 © Musée McCord
Compotier sous une lumière ultraviolette. © Musée McCord
Chandeliers, 1920-1925. M994X.2.3.2, M994X.2.3.3 et M994X.2.3.5 © Musée McCord
Chandeliers sous une lumière ultraviolette. © Musée McCord
Bol à fruits, 1875-1909. Don de Dr. Huguette Rémy, M997.45.62 © Musée McCord
Bol à fruits sous une lumière ultraviolette. © Musée McCord
Flacon de toilette, vers 1885-1890. M988X.141.1.1-2 © Musée McCord. Image de droite: flacon sous une lumière ultraviolette

L’URANIUM EST-IL DANGEREUX POUR LA SANTÉ?

Nous savons aujourd’hui que l’uranium est dangereux pour la santé, mais ce ne fut pas toujours le cas. Ce n’est qu’en 1894 qu’une réglementation a été adoptée concernant son utilisation et les mesures de précaution à prendre. Avant cela, on attribuait à l’uranium des propriétés curatives. De l’eau et du sable faiblement radioactifs étaient employés dans les stations thermales, et des dérivés de l’uranium étaient utilisés à petites doses pour traiter certains maux.

C’est à compter des années 1890 que l’utilisation de l’uranium à des fins médicales a commencé à être encadrée. Au début des années 1940, les États-Unis ont adopté une législation dictant les mesures de protection et de contrôle à suivre pour les substances radioactives. C’est ce qui a mis un terme à l’incorporation d’uranium non appauvri dans des glaçures, des émaux et du verre dans le monde entier.

© Marianne LeBel, 2019
© Marianne LeBel, 2019

COMMENT SAVOIR QUELLE QUANTITÉ DE RADIATION ÉMETTENT LES OBJETS EN OURALINE DE LA COLLECTION?

Nous avons consulté le personnel du bureau de Santé, sécurité et environnement de McGill qui nous a généreusement offert son temps et son équipement pour mesurer la quantité de radiation émise par les objets de notre collection. Avec l’aide d’un compteur de Geiger, nous avons constaté que la quantité de radiation émise par les objets est extrêmement faible et qu’elle ne représente aucun danger pour la santé. Autrement dit, n’hésitez pas à venir nous voir, nous ne sommes pas dangereux!

Il est important de noter que les matières radioactives sont naturellement présentes dans le sol et le roc, et que l’air contient des traces de radon. Nous sommes donc exposés quotidiennement à un rayonnement naturel.

COMMENT SAVOIR SI NOUS AVONS DE L’OURALINE À LA MAISON?

Une façon rapide et amusante de savoir si des objets en verre contiennent de l’uranium est de les examiner sous une source de lumière ultraviolette (ou lumière noire). S’ils brillent d’un vert vif fluorescent, ils contiennent sans doute une certaine quantité d’uranium. Mais n’oubliez pas de porter des lunettes de protection contre les rayons ultraviolets.

SI JE POSSÈDE UN VERRE EN OURALINE, PUIS-JE L’UTILISER POUR BOIRE MON JUS D’ORANGE?

J’ai posé la question aux analystes du bureau de Santé, sécurité et environnement de McGill qui m’ont assuré qu’il n’y avait aucun danger à boire du jus d’orange dans un verre en ouraline!

Autrice

Sara Serban, restauratrice, Musée McCord

Sara Serban, restauratrice, Musée McCord

Par le biais de son travail au laboratoire de restauration, Sara adore étudier et explorer physiquement les matériaux et les histoires derrière les objets de nos collections. Elle possède une maîtrise en histoire de l’art de l’Université Concordia et en conservation-restauration de l’Université Queen’s.
Par le biais de son travail au laboratoire de restauration, Sara adore étudier et explorer physiquement les matériaux et les histoires derrière les objets de nos collections. Elle possède une maîtrise en histoire de l’art de l’Université Concordia et en conservation-restauration de l’Université Queen’s.