Une fascinante paire de bottes! - Musée McCord
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Bottes, Canadian Rubber Co., 1868-1875. Don du Dr William P. Baker, M2006.118.1.1-2 © Musée McCord

Une fascinante paire de bottes!

Au cœur de la collection Costume, mode et textiles se trouve une paire de bottes qui se démarque par ses matériaux et ses origines culturelles.

Ces bottes pour filles sont une source de fascination depuis leur arrivée au Musée McCord en 2006. Bien qu’elles aient été trouvées dans une maison à Boston, elles ont un lien indéniable avec le Canada, comme en témoigne le logo de la Canadian Rubber Company de Montréal estampillé sur la semelle.

Bottes, Canadian Rubber Co., 1868-1875. Don du Dr William P. Baker, M2006.118.1.1-2 © Musée McCord

D’après leur style, ces bottes dateraient de la fin des années 1860 ou du début des années 1870 et seraient donc probablement les articles vestimentaires connus les plus anciens à porter une étiquette attestant d’une fabrication canadienne. Il est intéressant de noter que le fonds de gravures sur bois de l’artiste John Henry Walker que possède le McCord contient une image d’un logo pratiquement identique apposé sur une semelle de botte similaire!

John Henry Walker, Illustration de catalogue, vers 1850-1885. Don de David Ross McCord, M930.50.3.313 © Musée McCord

Dans les années 1860, le caoutchouc était un matériau relativement nouveau dans l’industrie de la chaussure. Il offrait entre autres l’avantage de rendre les semelles imperméables. La Canadian Rubber Company, enregistrée en 1866, a été la première du genre au Canada. Au début, elle ne fabriquait que des souliers et des bottes, mais d’autres produits se sont ajoutés avec le temps, comme des tuyaux d’incendie et des pneus. À l’origine, le caoutchouc se détériorait rapidement et c’est pourquoi il ne reste que peu d’exemples d’objets en caoutchouc de cette époque. Nous sommes chanceux que ces bottes aient survécu.

Bottes, Canadian Rubber Co., 1868-1875. Don du Dr William P. Baker, M2006.118.1.1-2 © Musée McCord

Mais un autre matériau exceptionnel est entré dans la fabrication de ces bottes. Selon une analyse effectuée au microscope, le motif brodé sur les empeignes de laine est en poil d’original! Visuellement, il ressemble à la broderie ornant des mocassins hurons-wendats de la même époque. Au dix-neuvième siècle, les Hurons-Wendats de Lorette, aujourd’hui Wendake, étaient de prolifiques producteurs d’objets brodés destinés à l’industrie touristique. Toutefois, ces objets ne constituaient qu’une infime partie de leur activité commerciale, puisqu’ils fabriquaient aussi des mocassins, des raquettes et des bottes à une échelle quasi industrielle.

Que pouvons-nous déduire de ce motif brodé décorant des bottes qui sont assurément de fabrication industrielle? Ces bottes nous informent que des femmes autochtones ont brodé des quantités d’empeignes de laine pour la manufacture montréalaise de la Canadian Rubber Company. Autrement dit, non seulement les femmes de la nation huronne-wendate créaient-elles des objets dans le cadre d’une petite industrie artisanale, mais elles participaient également à la production d’articles de série en effectuant du travail à domicile.

La Canadian Rubber Company n’était pas leur seul client dans l’industrie du caoutchouc. Dans l’annuaire de 1886 des entreprises commerciales de New Haven, au Connecticut, la L. Candee Rubber Company faisait de la publicité pour un produit qui, selon sa description, devait ressembler aux bottes du McCord : « La « guêtre indienne », empeigne brodée de poils d’orignal dans des couleurs grand teint, un travail réalisé par des Indiennes du Canada, est d’une beauté et d’un confort inégalés. »

D’autres recherches nous donnent des indices sur l’utilisation des chaussures de ce type. Le 17 novembre 1872, Lady Dufferin, épouse de Lord Dufferin, gouverneur général du Canada, décrivait dans son journal ce qu’elle et les membres de son groupe portaient pour faire de la raquette : « Nous sommes chaussés de mocassins en étoffe munis de semelles de caoutchouc, la plupart décorés au bout d’un motif floral brodé en couleurs. »

Sachant que les membres de la famille d’un gouverneur général les portaient pour faire de la raquette, nous avons vérifié dans les Archives photographiques Notman du McCord pour voir si d’autres avaient également chaussé ces mocassins. Nous avons trouvé un certain Monsieur Dudgeon portant une paire quasiment identique pour son portrait pris en 1876.

William Notman Studio, W. Dudgeon, posant pour une photographie composite sur le thème de la raquette, Montréal, 1876. II-23746.1 © Musée McCord